S'il a régné tant de vague dans les études morales et politiques, c'est parce qu'en donnant un trop libre essor à l'hypothèse on est sorti du monde réel ; c'est parce qu'on a assigné à la philosophie un rôle qui ne lui appartient pas. Percer l'enveloppe des mondes visibles pour chercher la loi des phénomènes sociaux au moyen de la réflexion dans un monde idéal, c'est chercher, à l'aide de l'intuition qui n'est applicable qu'aux études de l'homme considéré individuelle¬ment ou de la psychologie, la connaissance des lois de sociabilité; c'est abuser d'une science et l'appliquer à la discussion de questions qui ne sont pas de son domaine naturel. Quand il s'agit de matières politiques ou morales, il faut s'attacher à connaître et à approfondir la cause et les effets des événements, et rechercher dans les annales des peuples les véritables lois des destinées humaines, au lieu d'imaginer des principes de convention purement utopiques, et qui, quoique revêtus de formes irréprochables au point de vue littéraire, peut-être même rigoureusement logiques au point de vue scolastique, n'en sont pas moins d'inapplicables théories et des systèmes chimériques. Car certains faits réveillent souvent dans notre esprit des séries d'idées qui nous paraissent devoir en être nécessairement la conséquence, tandis que l'événement contredit les calculs de l'idéal ; c'est que l'idéal conclut trop rigoureusement et sans tenir compte des futurs contingents qui modifient l'absolu dans la réalité. Il nous Semble incontestable que la logique de l'histoire doit être apprise dans l'étude des faits et non pas seulement dans les règles fixes et bornées du raisonnement humain. »
CR0S-MAYREVIEILLE,