J'ai indiqué la pensée fondamentale de ce discours dans le texte biblique dont le commentaire sera fait devant vous, soit par la Pucelle elle-même, soit par ses contemporains, meilleurs juges que nous ne pouvons l'être du mobile auquel elle a obéi. J'y insiste et je dis : C'est fausser l'histoire et substituer à la vraie Jeanne d'Arc un personnage de convention que d'attribuer cette vocation si extraordinaire au seul amour de la patrie. Sans doute, ce généreux sentiment a occupé dans son coeur une très grande place. Elle a longtemps souffert, avec d'inexprimables angoisses, la douleur de savoir son pays envahi, son roi détrôné, la cause nationale presque désespérée ; et lorsqu'enfin il lui a été donné de pouvoir agir et se dévouer, elle a bien su montrer jusqu'où allaient les ardeurs de son âme toute française. Mais, je le répète, on altère gravement sa physionomie si, par infirmité de foi et par peur du divin, on s'obstine à ne voir en elle qu'une sorte d'amazone originale et intrépide, une émule de cette Camille que Virgile a chantée, rapide à la course, infatigable dans les combats, et portant avec une grâce enchanteresse le carquois de Lycie et le javelot fait du myrte pastoral.