"Dans un monde où la justice serait une réalité, l'économie ne serait qu'une fiction. "
L'individu peine à suivre son coeur. Sa servilité le rassure au point de l'aveugler. La liberté lui fait peur. Oserais-je dire que l'être à part ne
peut toute sa vie durant s'apitoyer sur son sort d'esclave ? Nul n'a de droit sur moi autre que celui dont je dote ce pouvoir. Vivre sans entrave a toujours été mon but, mais dans la politique de l'esclavage, l'homme libre ne fait-il pas figure d'exception ; quand la loi abuse de son pou-voir et l'homme de sa position, la révolte éclate pour faire renaître l'en-vie de croire en un monde meilleur. La résurrection de la raison ne s'exécute-t-elle pas dans l'insurrection ? L'héritier de ce funeste dépotoir ne peut embrasser la cause des réprouvés sans avoir libéré ses pro-pres chaînes. Seule la paix intérieure peut lui faire entrevoir la revendication de ce changement fondamental.
La plus grande des prisons n'est-elle pas celle où l'on s'enferme volontairement ? Quand l'homme se croit plus en rien, ses espoirs meurent. Le besoin existentiel de croire en une, philosophie de résistance active est indispensable pour survivre. La peur impose de se laisser vivre sans dominer cette dictature de la destinée. Mon entêtement aveugle à encore croire en l'homme m'oblige, au risque défaire souffrir mon indicible crédibilité, à rétablir certaines vérités oubliées que l'esclave peine à vouloir assumer. Savoir être malheureux est une chose, admettre qu'on ne le sera jamais en est une autre.
Cette chronique d'une mort sociale annoncée signe mon éviction d'une société d'émasculés, sans honneur ni dignité, et dont la seule préoccupation est d'assurer la quotidienneté de leur esclavage journalier. Ma revanche, bien plus qu'une vengeance, préfère de loin me voir mourir conscient du dysfonctionnement que l'institution s'est attelée à entretenir toute ma vie plutôt que de vivre dans le déni de ma misérable existence pour oublier ma condition d'esclave servile. Même avec un genou à terre, je ne saurais laisser ma place sur l'échafaud pour crier ma vé¬rité. Cette violation de mon droit à refuser de plier m'étouffe suffisamment pour réveiller mon envie de tout envoyer valser. J'aime trop ma liberté pour la brader sottement.
La vie libre commencera le jour où l'homme comprendra qu'il doit déclarer la guerre pour ne plus être esclave de la société. L'homme intègre, sans rancœur ni amertume, doit parfois savoir risquer sa vie pour avoir ne serait-ce qu'une seule chance de pouvoir la changer.