Marcelin 0llé était en colère. Il s'était fait piéger comme un perdreau de l'année, lui qui courrait les chemins depuis si longtemps, lui qui sillonnait la France en long, en large et en travers, tantôt seul avec sa hotte sur le dos, tantôt avec une mule lorsque le chargement était trop important. Aujourd'hui, il menait par le bridon sa vieille mule, qu'il avait baptisée Joséphine, en souvenir d'une ancêtre acariâtre... Marcelin et Joséphine étaient perdus et c'est pourquoi Marcelin était en colère. Bien sûr que cela ne leur serait pas arrivé au sud de la Loire, en Ariège, dans l'Aveyron ou dans le Gard, par exemple... Mais ici, dans ce pays de loups, ce n'était pas pareil. Tout était différent d'ailleurs : la nature, le paysage, le temps, les gens... Et pourtant, Marcelin connaissait bien la Lorraine ; il y venait une fois par an depuis presque trente ans mais, d'habitude, il « montait » plus tôt dans l'année afin d'avoir regagné Nîmes pour la fin du mois de novembre. Mais cette année, Marcelin avait une dizaine de jours de retard et la neige, elle, avait pris de l'avance.