La guerre vient d'ouvrir une ère nouvelle. Nos armées vont reporter à l'Orient une part de cette civilisation que lui ont empruntée nos pères, et le gouvernement ottoman laisse désormais le champ libre aux recherches et aux études. Déjà les pèlerins se succèdent plus nombreux dans ces contrées; d'autres voyageurs les suivront, sans doute, que l'amour des arts, de l'antiquité, de la science, conduiront vers ces rivages où l'Orient commence, où l'Occident désormais ne finira plus. Les routes autrefois en étaient difficiles, les obstacles infinis, les hommes moins sûrs encore que les routes. « Dieu te garde," disait un proverbe assez ancien, « Dieu te garde des Juifs de Salonique, des Grecs d'Athènes et des Turcs de Nègrepont. » Le proverbe aurait pu en ajouter bien d'autres. Aussi quel illustre état c'était autrefois que celui de voyageur! Qui ne se rappelle combien, il y a deux cents ans, M. le chevalier Chardin , marchand joaillier ordinaire de S. M. le roi de Perse , employait de temps et de peine seulement à traverser la mer Noire, l'Imirète et la Mingrélie? Combien, un siècle après, le simple voyage de l'Asie Mineure rendit célèbre M. de Choiseul¬Gouffier, qui eût été célèbre à bien d'autres titres? Combien, de nos jours, M. de Châteaubriand sut donner de retentissement à son Itinéraire? Beaucoup des difficultés qu'ils ont rencontrées seront, à ce qu'il semble, aplanies maintenant ; mais bien des lieux aussi auront changé de face, et bien des ruines de souvenirs.