Les Chants de Maldoror comme les Poésies I et II interrogent la possibilité d'une subjectivité dans un monde de terreur et de désolation. Que reste-t-il du moi là où tout n'est que souffrance et douleur ? Guère plus qu'un Moi devenu moi, un moi endolori d'avance ; un moi souffrant comme les autres; ou ce qui est pire encore, un moi souffrant d'isolement. tant peut être violente l'incapacité à partager la souffrance des autres comme on partagerait une cause. L'oeuvre de Lautréamont incarne la souffrance du monde. Mais comme toute incarnation, elle est elle-même et autre qu'elle-même. Et il se pourrait qu'elle contienne ce qui la. transcende, en l'occurrence, les traces d'un amour non pas perdu mais à-venir qui soit à-même de transformer l'existence. En réalité, ne sommes nous pas devant une oeuvre délicieusement dialectique? En même temps qu'elle met en scène l'exposition et la réexposition des figures du mal, elle s'évertue à extraire Maldoror, son Maldoror chéri, de l'engrenage infernal dans lequel il s'est lui-même fourvoyé. Il est un fait qu'on ne déclare jamais la guerre à Dieu sans prétendre en cela faire résonner les chants de l'amour.