Richard Fénigan, grand chasseur et pêcheur en Seine-et-Oise, vivant toute l'année à la campagne avec sa mère et sa jeune femme, venait de relever ses verveux sur ce morceau de Seine espacé d'îles vertes dont il avait affermé la pêche, entre l'écluse d'Evry et celle d'Athis. Par ce matin de juillet embrasé et lourd, sous un soleil de métal en fusion qui argentait tout le ciel, la rivière fumait immobile et silencieuse, sans même l'habituel ramage de volière que font dans les buissons de la berge les traquets, les fauvettes, les hirondelles de rivage, tandis que cette buée chaude aiguisait au contraire l'âpre senteur des plantes d'eau, la saveur fade des cantharides en taches d'émeraude sur les frênes. Fénigan robuste garçon de trente-cinq ans, au feint vif, à l'épaisse barbe brune, subissait l'écrasement de l'atmosphère; et lorsqu'il aborda le petit port où, devant les barques amarrées, ses filets de pêche s'étalaient en fumée blonde sur le vert pâle de la rive, il resta quelques minutes tout étourdi au fond du bateau, somnolant dans ses vêtements de toile verte, plaqués et noirs de mouillure. Une cloche sonna de ce côté de la Seine, sur la hauteur. Richard tressaillit :
— Tu as entendu, Chuchin?
Chuchin, le garde-pêche, enfoui dans la boutique, à compter la provision de brochets, de tanches et d'anguilles, releva sa figure boucanée, plus ridée que la rivière par un vent d'est :
— Ça vient du château, pour sûr.