Le soir du 13 juin 1790, on se battait furieusement dans les rues de Nîmes. Un incident en apparence sans gravité venait de déchaîner les fureurs qui couvaient depuis plusieurs mois, la révolution n'ayant apporté à ce peuple aux passions ardentes, toujours dominé par les sanglants souvenirs des guerres de religion, que
trop de motifs de divisions nouvelles. A la vérité, depuis la fin de ces guerres, protestants et catholiques vivaient en paix, ceux-ci de beaucoup supérieurs par le nombre, mais ceux-là plus puissants par leurs richesses, leur prépondérance sociale, leur esprit d'entreprise, leur habileté à se saisir du commerce de la contrée, à dominer de la sorte des milliers d'ouvriers auxquels ils distribuaient un travail abondant et lucratif. Aux élections de 1789, leur influence s'était manifestée avec éclat. Quoiqu'ils ne représentassent qu'un tiers de la population, ils avaient fourni aux états généraux cinq députés sur huit, sans que ce succès eût altéré les bons rapports qui régnaient entre les sectateurs des deux religions.