Quand nous contemplons aujourd'hui d'un oeil impartial et désintéressé tous les délits, toutes les lois, tous les règlements, qui ont eu pour but les uns de supprimer, les autres de canaliser le rouge torrent du duel, on en arrive à conclure que peut-être l'anarchie présente, tempérée par la sagesse et l'expérience de quelques hommes bien élevés à qui l'opinion reconnaît un mandat de juges bénévoles, est le régime qui convient le mieux à cet acte comment qualifier, tant il vrai qu'il mérite à la fois tous les noms selon les hommes, selon les circonstances: tantôt héroïque et tantôt criminel, tantôt ridicule et tantôt sublime.
Saint Louis a défendu dans ses Etats "l'usage absurde et immoral du duel"; Richelieu a couvert la France d'échafauds dédiés aux duellistes; je me rappelle plus le nom de ce roi de France, auteur, comme les autres, d'un édit concernant la matière, et, bien entendu, prétendant extirper le mal, qui disait à ses intimes: "Il est bien singulier que l'on vienne me demander justice, lorsqu'on porte à son côté l'épée à l'aide de laquelle on peut se la faire." C'est surtout en fait de duels que l'on est bien forcé d'admettre la pluralité des morales et la contradiction du langage officiel et de l'épanchement familier."