Une chapelle sur le bord d'une rivière rapide, une pierre éternelle dressée auprès d'une eau qui s'écoule, quelle image et quel thème de réflexions infinies ! Je suis assis dans la prairie. L'eau brille, accourt, enfle sa volute à mes pieds, murmure et disparaît, et je ne la discerne un moment que pour la perdre à jamais. Dans le ciel les nuages se font, se défont, glissent comme un fleuve. En moi des .rêves se déroulent. Rivière, nues, pensées, tout s'écoule. Je me rappelle mes longs après-midi d'écolier, quand Bardeau donnait la parole au vieil Héraclite. Le monde, disait—il, est un fleuve où toujours le flot succède au flot, et l'on ne descend pas deux fois dans le même fleuve. Que connaissez-vous de stable et de permanent? L'argile dont les choses sont faites reçoit toujours de nouvelles formes. Rien n'est, tout devient. Ainsi parlait le vieil Héraclite, et j'écoute son dies irai mélé au bruissement de la rivière rapide. En passant, l'eau fuyante jette sa phrase toute brève, la redouble, la répète encore et son murmure court les siècles.