Bigot est un grand écrivain. Prenant le plus souvent prétexte de fables, il a porté le plus vivant témoignage qu'on puisse imaginer de son époque, du milieu où il a vécu, et surtout des hommes qui ont réellement existé. Et ce qu'il y a de plus extraordinaire, dans la langue qu'ils employaient, qui, malgré la rime, demeure aussi fraîche et spontanée que dans la conversation la moins apprêtée. Si l'on ajoute le mérite d'avoir égayé les autres malgré une vie de soucis et de deuils, une exaltation des qualités humaines, le culte profond de la vérité et de la justice, un appel constant à la fraternité universelle, on ne sait qui admirer le plus de l'homme ou de l'écrivain. Quelques critiques, et non des moindres, citant les mêmes passages, se sont efforcés de le cantonner dans le rôle de peintre génial du "rachalan". Nous avons tenté de ne pas le réduire à seul aspect, cherchant à décrire l'homme avant l'auteur. Nous ne saurions nous dissimuler le caractère modeste de cette quête -une étude sérieuse sur Bigot reste à faire- mais sans doute nous accordera-t-on le mérite, l'ayant ainsi ébauchée, d'avoir aidé ardemment à la susciter.