Samedi 5 septembre, sur la route de la forêt d'Argonne, une file interminable de voitures d'émigrés; outre ceux qui viennent de loin, il y en a des Islettes, de Futeau et de Brizeaux. Ce spectacle n'est pas nouveau pour nous, et cependant il me navre plus jamais; le coeur serré, je pense: il arrivera ce que Dieu voudra, mais je ne quitterai pas mon poste, à moins que l'autorité militaire nous oblige à évacuer; je ne tiens pas à mourir sur les routes. Les troupes françaises, qui depuis hier se dirigent sur Bar-le-Duc, font stationner les voitures durant de longues heures; enfin, vers 11 h., on les laisse défiler trois ou quatre à la fois, et, pour qu'elles n'encombrent pas la grand'route, on les oblige à passer par la rue de la Basse-Cour et de la rue Médasson. Cette manière de défiler indique clairement que le temps presse et que l'ennemi n'est pas loin. Le général X... et son état-major nous ont quittés hier soir; le génie enlève le téléphone de fortune, installé à la mairie, et s'en va...