LA LÉGENDE DE LA MARSEILLAISE : Sur le tombeau de Rouget de Lisle, à Choisy-le-Roi, on lit cette inscription de date assez récente : QUAND LA RÉVOLUTION FRANÇAISE EN 1792 EUT A COMBATTRE LES ROIS IL LUI DONNA POUR VAINCRE LE CHANT DE LA "MARSEILLAISE". Cette épitaphe rappelle le titre particulier du défunt au souvenir de la postérité. Le tombeau de Rouget de Lisle consacre la légende de la Marseillaise. On est convenu, en effet, d'attribuer la Marseillaise, musi-que et paroles, à ce jeune officier des armées de 92, dont l'horreur de la tyrannie et l'amour de la liberté auraient fait, en un jour de sublime inspiration, le Tyrtée de la Révolution. Aux yeux de tous, il passe pour l'auteur de cet hymne de guerre et de révolution auquel s'attache aujourd'hui une partie de l'histoire du peuple, français et qui a le privilège, à la fois glorieux et sanglant, de personnifier la victoire et l'émeute. La tradition reconnaît en Rouget de Lisle le chantre national qui sut traduire en strophes énergiques le sentiment de tous et exprimer mieux encore, dans une musique ardente et passionnée, l'enthousiasme commun pour la liberté. Les preuves manquent cependant pour lui faire honneur d'un chant dont les souvenirs les plus sanglants, les plus hideux, n'ont pu effacer la valeur musicale. Si l'on recherche les fondements de cette opinion, devenue générale, on n'en trouve pas d'autres qu'une légende obscure née à Strasbourg et propagée à la faveur du merveilleux dont on a cherché à embellir les origines de la Révolution pour en dissimuler les horreurs. Lamartine surtout a contribué à l'accréditer. La fable inventée par l'imagination de l'historien des Girondins a passé dans tous les esprits.