"J'étais dans le cabinet de travail de l'Impératrice. Elle était assise derrière une table couverte d'objets de bureau, de petits cadres, de brochures et de papiers; je fis mon premier salut, m'avançai en la regardant, fis mon second salut, elle me tendit sa main que je baisai, et je restai une seconde éperdu, la regardant toujours. Elle me dit alors : « Vous ne vous asseyez pas? » J'étais bouleversé : c'était elle, elle à qui j'avais si souvent pensé depuis mon enfance, dont je suivais passionné¬ment la vie dans de vieux volumes de l'Illustration, dont j'avais si souvent parlé, demandant aux uns et aux autres des détails sur son existence actuelle, son aspect actuel, elle, assise là, entre ces baies en rotonde où le ciel, la montagne et des palmiers jouaient avec la lumière. Je ne pouvais la quitter des yeux, je me sentais impoli, je la fixais, j'étais médusé, magnétisé par un étonnant regard clair pailleté de noir qui reflétait le ciel, la montagne, les palmiers et la lumière, un regard souligné de noir (un trait de crayon à l'angle externe de la paupière inférieure). J'essayais de sourire, j'avais envie de pleurer, pendant qu'avec une grande bonté elle me demandait des nouvelles de ma mère, m'apprenait qu'autrefois elle avait récité à Saint-Cloud des vers de mon père (1857! son premier livre, Les Amoureuses... il avait dix-sept ans) ".