O Nature ! formidable énigme d'où émanent la rose et la vipère, le beau idéal et l'horrible côte à côte, qui as voulu que l'histoire humaine ne fut en réalité qu'un amoncellement hideux d'atrocités et d'horreurs, de faussetés et de haines, d'abject égoïsme et de nauséeux orgueil, que t'avait fait cette douce enfant pour la vouer barbarement au martyre, pour l'acculer à la folie et au suicide ? O Esprit-force, qui remplis et animes l'Univers, qu'es-tu en ton éternité au sein de la terrifiante fuite des choses ? Que nous veux-tu ? Toutes les religions, toutes les philosophies passées au crible de la raison et du bon sens, n'y aurait-il sur nous, dans notre pitoyable destinée, qu'artifice et jonglerie sinistre, que l'innommable impitié d'une puissance horrible nous imposant la naissance pour jouir, tortionnaire implacable, des angoisses de notre vie et des affres de notre agonie, sans positive assurance pour nous d'un recommencement et d'une compensation future ? Tout, autour de nous, dans nos aspirations et nos rêves, ne serait-il au vrai que leurre final et pur néant, et ne pourrons-nous jamais jeter le moindre regard sur le sombre mystère qui nous entoure et nous écrase sans que le cri d'émerveillement qui malgré nous, du prodige de l'étoile à celui de l'infusoire, jaillit partout de nos lèvres, soit près à chaque instant de s'achever — mais si pâle et précaire soit-elle, une ultime lueur d'espoir nous arrête, — en un cri d'épouvante et d'abomination ?