Marie Antoine Charrier, notaire royal à Nasbinals, né le 25 juillet 1755, avait été élu député du Tiers Etat pour le Gévaudan. Membre de la Constitution, il fit partie du groupe de l'extrême droite. C'est dire assez combien grand était son dévouement à la cause du Roi.
Quand cette assemblée eut terminée son oeuvre et interdit, par un dernier décret, à tous ses membres de faire partie de celle qui devait lui succéder, Charrier dut revenir dans ses montagnes.
Il raconte à ses citoyens les excès de toute sorte commis par les révolutionnaires à Versailles comme à Paris, dont il a été le témoin attristé. Il fait connaître les sinistres projets qui s'élaborent dans les Clubs de la Capitale contre la Religion et contre le Roi, pour le malheur du pays.
Si on ne veut pas avoir à subir les injustes et cruelles vexations qui menacent tout le peuple, il n'y a plus à hésiter, il faut être en mesure de se défendre.
Les paroles de Charrier ont enflammé les montagnards. Ils ne demandent qu'à le suivre.
Dès le mois d'octobre 1791, on réunit toutes les armes qui peuvent se trouver dans le pays : fusils de chasse, sabres, piques etc. On en forge de nouvelles. On fait arriver de Marvejols de la poudre et d'autres munitions et sous la direction de Charrier, les hommes de Nasbinals s'exercent au métier des armes. L'exemple entraîne les paroisses
voisines, qui envoient leur contingent. Charrier se trouve avoir sous la main une petite troupe de 300 hommes,
Six troncs de fayards troués, cerclés de fer, tiendront lieu de canons et formeront une batterie avec laquelle un groupe de robustes gars apprendront à manoeuvrer les pièces d'artillerie.
Cependant la petite armée grandit toujours. Charrier seul ne peut plus suffire à la tâche. Il fait alors arriver quinze officiers du régiment de Bourgogne pour l'aider dans l'instruction de ses hommes. Tous les dimanches et parfois certains jours de semaine, on voyait les habitants des villages se rendre au chef lieu, les bergers descendre des montagnes, chacun avec l'arme qui lui a été confiée. La vaste prairie du « Prieuré » sert de champ de manoeuvre. Là, pendant plusieurs heures, les échos répètent les commandements brefs des officiers instructeurs, où se renvoient le bruit irrégulier des décharges de mousqueterie.
Tel fut le spectacle qu'offrit Nasbinals
d'octobre 1791 jusqu'en mars 1792.