A côté de la porte d'Auguste se trouve un autre monument familier du paysage nîmois : la librairie Lacour.
Depuis 1869, cette véritable institution offre un visage presque inchangé, celui d'un étonnant cabinet de curiosités qui, de nos jours, abrite pêle-mêle des ouvrages sur « La Conversion de Luther », « Le Dressage du chien d'arrêt » ou « La Cuisine aux oignons », des monnaies et des médailles, un plastron de centurion, un buste de Louis XIV et... la forte personnalité du maître des lieux, Christian Lacour-0llé, qui mérite à lui seul la visite.
Il possède le plus ancien commerce de la ville et se dit « le dernier colporteur de France ». C'est dire s'il est homme de traditions. Tradition familiale, d'abord : il incarne la septième génération d'une famille de colporteurs, puis libraires-éditeurs, originaire du Haut Comminges pyrénéen, et fixée à Nîmes depuis le milieu du XIXème siècle. La ville comptait alors de nombreux éditeurs indépendants ; Christian Lacour est le dernier d'entre eux, et travaille toujours à l'ancienne. Au début de la semaine, il est sur les routes, écoulant ses livres auprès de librairies, de petits musées, et même de merceries. Le reste du temps, il est dans sa boutique, à les fabriquer : réimpression de vieilles monographies régionales, ésotérisme, poésie... rien ne rebute cet esprit encyclopédique. En 2010, il aurait ainsi édité 500 titres ! «Pour que mon activité, totalement indépendante, soit rentable, il ne faut pas compter son temps », précise-t-il.
Ce boulimique de travail le compte d'autant moins qu'à ses casquettes de colporteur, libraire, éditeur et papetier s'ajoute encore celle d'illustre « reboussier ». Bousquet, Clary - dont il fut un temps l'adjoint -, Fournier : les derniers maires ont tous été visés par les articles pamphlétaires de sa « Gazette d'Auguste ». Sans compter la centaine de recours et autres plaintes déposés depuis 1999 devant le tribunal administratif. Son constat est sans appel : « Les politiques de tous bords ont fait de Nîmes une ville moribonde. Il ne nous reste que les monuments romains. » Ça tombe bien : Christian Lacour-0llé a des dizaines de titres qui leur sont consacrés dans les rayons de sa librairie.